Correspondances & Carnet - Voyage Immobile

Précédent    Jour 151    Suivant

----- Original Message -----
From: picabiette
To: 'Cathbleue'
Sent: Thursday, May 29, 2003 6:46 AM
Subject: La liberté des pierres


Ne te fais pas de mouron. Notre mère la Nature est là, généreuse en baies, champignons, airelles.. Et puis il nous reste un peu d'argent : ce qui me plaisait, c'était que tu m'en envoies. Je croyais que c'était ton argent que tu m'envoyais, pas le mien. Si c'est le mien tu peux attendre encore un peu... Ce n'est pas de l'argent dont j'avais le plus besoin, c'était qu'on m'en donne.

Les brocolis, les radis et les artichauts : voilà d'appétissants produits de mère Nature !

Nature est aussi propice à la réflexion. Il n'y a pas grand monde à Kharagun, beaucoup de vieux qui ont encore l'air perspicace et dispensent de beaux sourires souvent édentés, comme les bébés. Ils nous croisent, ils hochent la tête devant la Poule, passent la mains dans les cheveux d'Albert.


La chaîne formée par les quatre
pierres blanches possède
neuf libertés

Alors voilà : c'est nous, ici, les exotiques, et vraiment on devrait toujours s'émerveiller d'être l'étranger. C'est une situation intéressante. Quand je serai rentrée à Paris, il ne faudra pas que j'oublie ça. Il faudra faire l'effort d'être étrangère à Paris. Je ne sais pas pourquoi on aime autant les racines (sauf quand c'est des radis), c'est tellement léger, de n'en avoir point ! Ces histoires de racines, c'est entourloupe et compagnie.

Albert ayant perdu le jeu de cartes de Dubble you, on joue au go. Un jeu où plus la chaîne est longue, plus les libertés abondent... "Le nombre de libertés de la chaîne est le total des intersections adjacentes libres." Ah ah ! Je te pose donc, d'un seul mouvement, une foule de problèmes: problème mathématique, problème moral, problème politique. Et on n'a encore pas vu que les pierres aient des racines.

On t'embrasse,
Picapierre.