Agitant
précautionneusement leurs antennes, de grosses fourmis rousses
- "Polyergus Rufescens" - vont et viennent lentement, en ordre
dispersé, parmi les débris végétaux. A bien
regarder il y en a des centaines, d'espèces différentes,
de couleur variée, de toutes tailles, des véloces et des
placides, qui cherchent leur pitance dans l'éblouissante aridité...
Abdil s'assoit en tailleur.
Amas de chair brune reposant sur le sable solidifié son prolongement
génital s'alourdit, gorgé de sang. Inflation des corps
caverneux. La verge s'arrache lentement du sol. Le membre palpitant
se dresse, s'arque, s'arrondit. Les testicules oscillent dans les bourses
dont la peau velue se distend. Tiraillements minuscules des tubes séminifères,
de l'épididyme, du canal déférent. Le gland lie?de?vin
force doucement le prépuce et se débride, sensation libératoire,
d'un seul coup.
Captivé, Abdil observe la transformation machinale comparativement
à la vaticination aveugle des fourmis... Que peut représenter
à des ouvrières asexuées ce champignon monstrueux
qui leur fait momentanément de l'ombre en se développant
au-dessus de leur tête sans yeux ? Ont-elles seulement l'intuition
de sa présence vivante ? Que peuvent-elles conclure de ce subit
obscurcissement qui les désoriente ? Comment vont-elles répondre
à cette surprenante désorganisation de leur espace ? Quelle
est, face à cet imprévisible, leur marge de liberté
? Sachant que leur état d'être individuel vise exclusivement
à l'unité de la fourmilière dont elles ne sont
en définitive qu'un minuscule fragment ? Quelle est leur perception
de la réalité ? et de leur propre existence ? A quoi peuvent
bien servir ces pullulations organisées, insignifiantes, qu'un
revers de main balaie ? Ont?elles une utilité ?
Contrarié par la gravitation, animé de sursauts mollement
rythmés par les battements du coeur, le phallus tâtonne
à l'horizontale, livré à lui-même, sans but,
comme hésitant... Interpellée, Sabira s'accroupit.